De chaque état montagneux du nord de l’Inde, de l’Arunachal à l’Himachal Pradesh en passant par le Sikkim, l’Uttarakhand et le Darjeeling la vue des montagnes de l’Himalaya provoque en nous des sensations différentes, inhérentes à l’ambiance du lieu. Ici, dans la vallée de Srinagar à 1730 mètres, les montagnes nous paraissent si proches que leur blancheur se reflète dans l’eau du lac et leur lumière illumine toute la ville.
De Delhi à Srinagar, le trajet n’est pas très long. En une heure nous traversons les plaines vertes du Punjab, la région de Jammu, d’où l’on commence à apercevoir les montagnes, pour enfin atterrir à Srinagar, la capitale de l’état. Première vision : une vue à 360°. Une rangée de montagnes s’impose de tous les côtés. Le vent froid venant des pics encore bien enneigés en cette période d’hiver parcourt la ville alors que le soleil et le ciel bleu offrent une vue étincelante et épurée.
Alors que nous n’avons toujours pas réservé d’hôtel, nous rencontrons en face de l’office de tourisme de Srinagar, Hanif, un local bavard mais bien informé, qui nous invite à découvrir sa houseboat, en nous promettant un prix très attractif. C’est ainsi par hasard que nous passons notre première nuit sur son bateau et que nous découvrons la vie sur l’eau.
Une ville sur le lac
L’introduction des houseboats remonte au 19ème siècle, lorsque les anglais membres du Indian Civil Service qui se rendaient en vacance au Kashmir, n’obtenaient pas la permission de construire des maisons en dur, le Maharaja Dogra craignant alors la présence des Anglais à Srinagar. Ils firent ainsi le choix des houseboats. La première nommée Victory aurait été construite par M.T.Kenhard en 1888.
Le lac est véritablement le joyau de la ville et reflète l’esprit de la cité. Source d’inspiration de nombreux poètes et écrivains, il est divisé en quatre parties : Gagribal, Lokut Dal, Bod Dal et Nagin.
Le lac a souvent été décrit comme le lac le plus beau du monde, et c’est la raison pour laquelle l’empereur Mughal, Jehangir proclama que s’il existait un paradis sur terre, il serait sûrement ici.
Aujourd’hui, le lac fait face à des problèmes environnementaux causés par la recrudescence de bateaux,l’érosion du sol et la pollution. La taille du lac s’étant considérablement réduite,le gouvernement a mis en place un projet pour éviter qu’il ne disparaisse. Ces mesures incluent le déplacement de populations vivant sur le lac. Mais ces dernières forment la part la plus pauvre de la population et vivent principalement des activités touristiques sur le lac et de la pêche, elles manifestent donc activement leur opposition.
Sur le lac vous trouverez toutes sortes de bateaux-hôtels portant des noms parfois insolites, tels que Hollywood, Queen Elizabeth ou Lufthansa. Certaines de luxe, d’autres à petit prix les housesboats sont devenues l’attraction principale de la ville. Pour ceux qui opteraient pour un bateau à budget moyen avec un bon rapport qualité/prix,comptez environ 800 roupies la nuit et 1000 roupies pour la nuit, le dîner et le petit-déjeuner.
Une promenade s’impose sur le lac pour ceux qui visite Srinagar pour la première fois et c’est avec enthousiasme que nous prenons un petit canoë ou shikara (200 roupies de l’heure) pour découvrir la vie de ses habitants. Avec près de 1500 houseboats et 100 000 personnes y vivant, le lac est une véritable ville dans la ville où tout le nécessaire de la vie quotidienne est accessible.Comme chaque foyer a sa voiture en Europe, chaque houseboat possède sa shikara et l’utilise comme boutique ou moyen de transport pour aller à l’école, faire des courses.
Inversement de situation, sur l’eau pas besoin de se déplacer le marché vient à nous… Nous sommes bientôt entourés par des marchands itinérants vendant du safran (une des spécialités de l’état), des saris, des produits ménagers,… Nous traversons également le marché, une zone d’agriculture créée sur l’eau où se cultivent toutes sortes de légumes et terminons par un petit restaurant flottant où servi dans notre shikara, nous ne manquons pas de déguster le kahwa, le thé local.
Ici les habitants ont l’habitude des touristes, et surprise, ils s’expriment très bien en anglais même si la plupart d’entre eux n’est jamais allée à l’école. « J’ai appris l’anglais avec les touristes. Je reçois dans mon bateau des Français, des Suisses, des Américains, des Anglais, des Allemands, des Australiens… », explique Hanif, le gérant de la houseboat.
Vous trouverez également à Srinagar,des vendeurs de bijoux, ceux-ci transportent dans leur shikara, des pierres précieuses telles que des rubis et des émeraudes issus des montagnes de l’Himalaya. « Je vends énormément de pierres précieuses et semi-précieuses aux Occidentaux qui viennent ici, j’en fournis également à des bijoutiers en Europe… Ces bijoux coûtent et son revendus beaucoup plus cher là-bas, nous le savons, mais nous les vendons ici vraiment « pas cher » », confesse en souriant Hassan, président de l’association des vendeurs sur le lac. Ce bijoutier issu d’une famille qui cultive cet art depuis des générations prononce ces derniers mots en français.
Vraie pierre ou toc, nos yeux d’amateurs ne font malheureusement pas la différence, mais le prix attractif et les affirmations du vendeur, finissent par nous convaincre et nous finissons par craquer pour la bague en émeraude montée sur de l’argent, pour la somme de 2500 roupies, soit environ 40 euros.
Cité aux influences multiples
La ville de Srinagar a été fondée par le roi Pravarasena II, il y a plus de 2 000 ans et a reçu les influences de plusieurs dynasties qui l’on gouvernée : l’empire Maurya au 3ème siècle avant JC avec l’empereur Ashoka, puis les Kushans au 1er siècle qui ont renforcé le Bouddhisme.La cité est prise par les Huns au 6ème siècle. A partir du 14ème siècle, les souverains musulmans dirigent la région, puis les Mughals au 16ème. Au 18ème, le souverain sikh Maharaja Ranjit Singh conquiert la région et l’annexe à son royaume avant que celui-ci ne passe aux mains des Hindous Dogra suite au traité d’Amritsar.
La ville de Srinagar possède ainsi de nombreux lieux de cultes, tels que Hazratbal Shirne où sont gardés les cheveux du prophète Mahomet, le temple de Shankaracharya construit en 371 avant JC, aussi connu sous le nom de temple de Shiva,le Khanqah-e-Molla,le Jama Masjid, la Gurudwara de Chatti Padshahi construite en hommage au sixième Guru Sikh.
Tout au long de la journée la ville entière vibre au son des prières islamiques qui rythment la vie des habitants.Malgré une population majoritairement musulmane, Hindous et Sikhs continuent à vivre dans la région. « Il n’y a pas véritablement d’opposition entre communautés ici, c’est davantage une opposition entre les pauvres et le gouvernement. La population est en quelque sorte divisée en trois groupes : ceux qui souhaitent avoir une totale indépendance de l’état vis-à-vis de l’Inde ou du Pakistan, ceux qui souhaitent le ralliement au Pakistan et ceux qui se sentent à l’aise comme ils sont avec le gouvernement actuel » explique Hassan.
En tant que touristes, nous ne remarquons pas véritablement de tensions graves ou d’actes dirigés contre les touristes. Au contraire la majorité de la population vivant du tourisme, ce secteur constitue leur principal gagne-pain. Par ailleurs, la situation au Jammu-Kashmir s’est quelque peu calmée depuis ces cinq dernières années.
La vieille ville est quant à elle composée de vielles ruelles et d’habitations anciennes, c’est un véritable labyrinthe où se vendent des tissus typiques, des pashminas, des tapis, des fruits secs et autres produits régionaux.
Gulmarg : skier au paradis
L’hiver, la plupart des touristes se dirige dans les régions aux alentours de Srinagar. Parmi elles, Gulmarg se distingue pour les sports de neige. Nous prenons donc une voiture, en direction du nord – ouest (3000 roupies le trajet Srinagar/Gulmarg pour deux jours aller/retour). En route, nous découvrons la vie paysanne, les champs qui se prépare à accueillir le printemps, ses orchidées et ses variétés de fruits. Nous prenons de l’altitude, la température descend vite, l’air se fait pur et les paysages de plus en plus blancs. Les plaines de Gulmarg couvertes de neige brillant sous le soleil sont pareilles à un lac de lait.Avec plus de deux mètres de neige tombée, notre petit chalet géré par le Jammu Kashmir Tourism Development Corporation est totalement enfoui sous les tonnes de poudre blanche, un véritable igloo !
Dans un environnement à la fois vertigineux et magnifique, des professionnels venant d’Europe et d’ailleurs viennent skier sur les monts himalayens, à la recherche de nouvelles sensations. Des Indiens sont là également, des écoles effectuent tout particulièrement des voyages d’initiation au ski. Pour les sportifs, des motos des neiges, des snowboards et même des luges en bois sont disponibles.Et ils peuvent aussi pratiquer le hockey sur glace.
Equipée d’installations modernes, Gulmarg est l’hôte de compétitions internationales de ski, comme celle organisée annuellement du 4 au 9 mars. Gulmarg possède aussi la plus haute télécabine ou gondola de ski du monde à 3747 mètres. Au sommet de la montagne Kongdoori, une vue imprenable se dessine sous nos yeux. De là nous pouvons voir la plus haute montagne de la région, le Nanga Parbat, la ligne de contrôle entre l’Inde et le Pakistan et les bunkers noirs de l’armée indienne enfouis sous la neige. Les descentes des montagnes Afarwat de la rangée Pir Panjal de l’Himalaya font partis des plus longues et élevés d’Asie.Alors que le soleil se couche, le ciel à Gulmarg se pare de couleurs flamboyantes s’opposant à la blancheur du sol, on dirait presque un incendie dans le ciel…
L’été Gulmarg devient un immense terrain de golf, de même la région de Srinagar revêt son manteau vert et fleuri. L’ambiance est complètement différente et la région est un paradis de faune et flore. C’est le meilleur moment pour visiter les célèbres jardins mughals tels que Shalimar et Nishat Bagh, Chashma Shahi et Pari Mahal qui se parent d’un lit de fleurs aux mille couleurs. Rendez-vous donc cet été pour une nouvelle excursion au cœur du Jammu-Kashmir.