Telle une frêle lueur dansant au-dessus d’une coupelle posée sur la mer, se trouve l’île de Diu. Il y a quelque chose d’enchanteur à penser que l’existence d’une île soit le fait de la générosité de la mer qui l’a fait émerger. Diu s’élève harmonieuse et auréole la sublime mer d’Arabie.Quand vous vous arrêterez sur la plage de Ghoghla et que votre regard se posera pour la première fois sur Diu, vous en aurez le souffle coupé. La ligne d’horizon sur le fort de l’île, le phare, l’église et la ville se meut à l’unisson avec les vagues qui dansent.
Tout apparaît comme si d’obscures puissances retenaient l’île dans une bulle qui tanguerait selon leur bon vouloir. Le remugle bruyant de l’océan s’oppose à l’effervescence de la ville. Vous serez balancé entre son harmonie et sa douce musique tandis que la houle gonflera et se brisera avec fracas sur ses côtesA présent, la sorcière de Diu tisse une toile vaudou autour de vous et vous traversez le pont séparant l’île du continent, le passée du présent. Les légendes du roi Jallandhar bercent l’île, et les ruines de ses temples sont encore visibles aujourd’hui La dynastie Rajput souffrit de la conquête musulmane de 1380 avant de s’éteindre.
L’invasion de l’est par l’ouest commença alors. Le Portugal, grande puissance navale, régnaient en ces temps sur les mers. Le pays était avide d’exploration et nouvelles conquêtes. Les explorateurs des mers et leur imposante flotte arrivèrent à Diu où le fruit mûr n’attendait que d’être cueilli d’eux. Le roi moghol de Delhi avait attaqué Bahadur Shah, sultan du Gujurat qui quitta Diu. Le sultan conclut un pacte de défense avec les Portugais afin de chasser l’occupant et d’éviter à l’avenir les menaces venant du nord. Mais lentement, la principauté se désagrégea au seul bonheur et profit des Portugais.Une fois la main mise sur Diu, ils bâtirent majestueusement, vécurent luxueusement et aimèrent avec passion. les vagues puissantes de la mer illustrent les ambitions du pouvoir colonial: elles rugissent et vont crescendo dans la mer, mais dès qu’elles touchent les roches sur la falaise, elles s’écrasent et se dispersent en milliers de gouttelettes qui s’échappent ; ce qui reste alors n’est que roche ruisselanteC’est également l’histoire de «Panikhota», l’imprenable fort de Diu bâti entre 1535 et 1541. Les astucieux stratèges en avaient conçu les plans pour qu’il soit telle une boite étanche aux milieux des eaux. Il était entouré sur ces trois flancs par la mer et faisait face à une douve sur le dernier. On ne pouvait y accéder que par une voie étroite donnant sur des postes de sentinelles et ayant des allures de crayon en suspension. Mais comme souvent, la vraie menace vint de l’intérieur.Marchez le long des remparts et sentez le fer rouillé des canons silencieux alignés comme s’ils étaient prêts à combattre. Malgré les ravages du temps et du climat, ressentez l’orgueil et la prestance de ces soldats morts et disparus. Des boulets, encore prêt à défendre le fort de ses envahisseurs, sont posés dans un coin. L’artillerie et ses munitions rendaient alors l’île imprenable.Un phare, gardien éternel du fort, se tient au loin et grâce à ses faisceaux lumineux, met toujours en alerte les marins. Les contours du fort tournent et zigzaguent autant que la mer le leur permet, interdisant l’accès par l’un des trois côtés à tout intrus potentiel. La cité baigne dans la plus implacable sécurité.Arrêtez vous sur les remparts du fort et regardez vers la mer. Un bâtiment établie sous le phare attire votre attention. C’est «Fortem du Mar»: une forteresse construite sur les roches juste au-dessus de la mer et aussi populaire que Panikotha. Fortem du Mar était destinée à la défense de l’île et semble être toujours aussi menaçante. On peut s’en approcher depuis la jetée du fort avec un bateau à moteur. Attention à la mousse qui recouvre les rochers et les rend glissants. Sautez par-dessus avant d’atteindre l’escalier qui mène à une étroite entrée. Vous avancerez alors sur un terre-plein au-dessous duquel étaient stockées les munitions. La vue sur la mer depuis le poste de garde est enivrante et ensorcelante: j’aurais pu en être la sentinelle et rester là indéfiniment.
A la fin du jour, vous rentrerez et vous vous trouverez sur le roulis des vagues à essayer de régler votre appareil photo. N’oubliez pas de jeter à nouveau un oeil sur Panikotha. Ses couleurs se modifient au rythme des ombres du crépuscule. A la nuit tombante, alors que le soleil noie le feu de ses derniers rayons, la surface et les contours de Panikotha persistent et s’allient à la roche pour former la silhouette d’un ensemble splendide qui s’élève entre ciel et mer recouvert par les lumières du phares pour contrer les ombres de la nuit. Patientez quelques instants et observez l’obscurité tout engloutir lentement, goulûment, puis Panikotha s’illuminer: cette vue dans l’obscurité d’une flamme dansant au-dessus des vagues est inégalée et inégalable.A l’aube, laissez le jour se lever et ouvrir doucement le rideau de la nuit. Diu vous réserve bien d’autres enchantements. Si vous n’y êtes pas déjà, précipitez vous sur la plage de Nagoa. Le sable blond et froid se réchauffe pour souhaiter la bienvenue à vos pieds. La nature a donné à Nagoa la forme d’un fer à cheval et le sentiment de sécurité de bras maternels. Dans les maisons du village, quelques personnes clouent encore un fer à cheval sur leur porte en guise de porte-bonheur et signe de bon augure. Ici à Diu, Dieu lui-même vit à la plage. Passez-y votre journée à nager, faire des châteaux de sable, ou siroter paresseusement une des largesses de Bacchus sous une ombre mouvante où vous poursuivront les rayons du soleil.Le «ronron» des scooters des mers ne vous laissant pas paresser longtemps, allez faire un tour et éprouvez joie et hilarité en jouant avec les vagues de cette mer turbulante. La plage s’estompe et diminue au fur et à mesure que vous avancez dans l eau. L’humeur de la mer vous emporte et transforme votre humanité en une bulle légère, inconsistante et iridescente.Après la plage de Nagoa, à environ 3 km en allant vers le fort se trouve Gangeshwar, une ode à la foi. Un petit temple le long de la mer dont le lingam, éclaboussé par les vagues, est un lieu vénéré de pèlerinage. Dans les temples hindous, le Shivlinga est rituellement baigné avec du lait et oint de pâte vermillon. Ici à Gangeshwar, la puissante mer d’Arabie est constamment dévouée à la présence et au culte de Shiva, le dieu hindou de la création.Les autres plages, Jallandhar, Chakratirath et Gomatimata, se trouvent sur différents rivages et offrent des attraits distincts. Si vous désirez vous promener au milieu des cocotiers, prenez la petite route sinueuse qui parcoure l’île de Diu de manière elliptique. Ce petit tour devrait vous mener aux villages Vanakbara et Bucharwada où les plantations de cocotiers prennent racines dans un joyeux abandon. Ils se balancent gentiment au rythme de la brise marine comme si un maître le leur avait appris. Parfois, ce que la nature vous enseigne, l’université ne le pourra jamais.
Un peu plus loin le long de cette route, de petits carrés blancs tracés de façon nette: ce sont des marais salants, là d’où on extrait l’or de la mer, le sel de l’eau. Un repas sans sel est inimaginable: pour un homme, la saveur de Diu est peut-être comme celle d’une pincée de sel, elle rend un repas copieux complet.Dès que l’on parle de repas, Diu ouvre l’appétit. Si vous êtes gourmand, vous vous délectez d’un homard brillant et juteux allongé sur son lit de salade craquante. Si vous êtes grognon, un crabe acariâtre vous contentera. Diu est exactement l’endroit qui vous convient. Les crevettes géantes ajoutent encore du plaisir à cette dyonisiaque expérience: on se délecte d’abord avec les yeux puis avec le palais de leur coque rose et de leur chaire tendre.L’île de Diu se trouve seulement à 29 mètres au-dessus du niveau de la mer et son climat est sec et frais. Il y tombe environ 70 cm de pluie par an; la mousson y est romantique. Durant l’été on porte des vêtements de plage et l’hiver, de légers lainages.Une succession d’hôtels, de villas et de pensions de famille ouverts récemment pour l’hébergement des voyageurs offrent de somptueuses commodités à un prix modéré. Toutefois, si vous voulez sentir avant d’aller dormir le vent souffler sur vos joues et la mer chuchoter comme les ailes d’un papillon à vos oreilles, alors prenez une tente. La plage de Nagoa est une contradiction en elle-même, vous pourrez y avoir très chaud ou y attraper très froid !Ne quittez pas l’île sans avoir fait vos prières à l’église Saint Paul. Construite entre 1601 et 1610, elle est consacrée à Notre Dame de l’Immaculée Conception. Dans un style indéniablement baroque, elle est monumentale. Pendant les prières, l’atmosphère à l’intérieur est sereine et sacrée. Après le service, le prêtre escorte affectueusement le pèlerin voyageur le long de l’allée menant jusqu’à l’autel où se trouve la statue de la Vierge Marie. Croyez-le ou non, mais si vous regardez attentivement ses yeux, ceux-ci vous adresseront un message de clémence et de compassion: ils sont empreints de vie et de foi.L’église de Saint Thomas qui est d’un blanc virginal, abrite le muséum racontant la vie et l’histoire de Diu. Pourtant aucune pierre ne peut contenir toute la beauté culturelle de cet endroit, des gens, du mélange des dialectes, de leurs mélodies et de leur harmonie. Elle est comme une lumière angélique et incandescente qui illumine délicatement la mer: ne voudriezvous pas être un papillon de nuit la survolant ?