Gandhi (1869 – 1948)
Une vie au service de la non-violence
Gandhi démontre l’efficacité de la non-violence
Mohandas Karamchand Gandhi naît le 2 octobre 1869 à Porbandar, dans une famille de riches commerçants du Gudjerat, au nord-ouest de l’Empire britannique des Indes. Il fait des études d’avocat à Londres puis, trop timide pour plaider en Inde, part en mai 1893 en Afrique du Sud où s’est établie une nombreuse communauté originaire des Indes.
Affecté par des vexations racistes de la part des Blancs, comme de devoir descendre d’un compartiment de train de première classe, il s’érige en défenseur des immigrants indiens et forge une doctrine originale fondée sur la non-violence, la maîtrise de soi et le respect de la vérité (la «satyagraha»).
Il préconise en vertu de cette doctrine la désobéissance passive et collective pour lutter contre les discriminations et remporte de spectaculaires succès face aux gouvernants britanniques. Mais c’est au prix de plusieurs séjours en prison.
Néanmoins, ill se comporte loyalement à l’égard des Britanniques pendant leur guerre contre les Boers, en 1899-1901, et organise un service d’ambulances avec un personnel indien.
Un héros indien
À son retour en Inde en janvier 1915, Gandhi bénéficie déjà d’une solide réputation d’ascète et de héros qui lui vaut d’être surnommé par le grand poète indien TagoreMahatma, d’après un mot hindi qui veut dire «Grande âme».
Gandhi accède à la présidence du parti du Congrès et mène dès lors la lutte pour l’autonomie du pays puis pour son indépendance tout en prônant l’autosuffisance économique, le retour aux techniques traditionnelle, mais aussi l’émancipation des femmes et des Intouchables (les hors-castes de l’hindouisme). Avec bienveillance, il surnomme ces derniers les Harijans ou gens de Dieu (les Intouchables récusent aujourd’hui ce terme paternaliste et lui préfèrent celui de Dalits ou opprimés).
Plein de curiosité pour les systèmes philosophiques et les grandes religions, il n’en reste pas moins fidèle à son héritage hindou. Il se rapproche de l’Inde profonde des villages et préconise le retour à une économie traditionnelle.
Le Mahatma donne l’exemple de l’ascétisme en pratiquant la chasteté dans son ashram des environs d’Ahmedabad, au nord-ouest du pays, et en tissant le coton sur son rouet pour subvenir à ses besoins et fabriquer ses propres vêtements.
À Amritsar, une manifestation tourne au massacre et rompt les liens invisibles qui rapprochaient Indiens et Britanniques.
Gandhi poursuit son action avec encore plus de détermination, en s’appuyant sur le parti du Congrès. Il préconise la non-participation (refus des décorations, boycottage des produits anglais…) et prescrit même la grève de l’impôt dans un district du Gudjerat.
Mais l’affaire tourne à l’émeute et Gandhi, par souci d’éviter les violences, interrompt le mouvement en février 1922. Lui-même entame une grève de la faim dans son ashramet met sa vie en danger pour convaincre ses compatriotes d’interrompre les violences. Il est emprisonné, ce qui lui vaut une aura internationale de martyr…
«Quit India !»
En 1930, la marche du sel lui vaut d’être à nouveau arrêté mais elle convainc les libéraux britanniques d’engager l’Inde dans
la voie de l’indépendance. Dès l’année suivante, celui que Winston Churchill qualifie avec mépris de «fakir à moitié nu» est convié à Londres à une table ronde destinée à débattre d’une hypothétique indépendance de l’Inde.
Mais les discussions achoppent très vite sur les modalités de l’indépendance (faut-il accorder aux États princiers le droit de sécession ? quelle garantie pour la minorité musulmane, qui représente alors un quart des 350 millions d’Indiens ? quel statut pour les Intouchables ?…). Le Mahatma est déçu que le Congrès ne le suive pas dans le retour aux valeurs traditionnelles et s’en tienne à la quête de l’indépendance. Il renonce à la présidence du parti.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, les Britanniques engagent l’Inde dans le conflit sans prendre la peine de consulter les représentants de la colonie. Tout au plus le Premier ministre Winston Churchill promet-il aux Indiens, à l’issue de la guerre, un statut de dominion similaire à celui du Canada ou de l’Australie.
Parmi les compagnons de Gandhi, certains comme Jawaharlal Nehru plaident pour ne rien faire qui favorise l’ennemi japonais et son allié allemand. Mais pour Gandhi lui-même, l’heure des compromis est terminée. Tout en condamnant la violence et, pire encore, l’alliance avec l’ennemi japonais dans laquelle se compromet l’ultra-nationaliste Bose, le Mahatma lance le 8 août 1942, à Bombay, un mot d’ordre radical à l’adresse des Britanniques : «Quit India !» (Quittez l’Inde !).
Quelques heures plus tard, plusieurs chefs du parti du Congrès sont arrêtés. Gandhi lui-même est une nouvelle fois incarcéré. Il ne sera libéré qu’en mai 1944. Mais entre temps, son mot d’ordre aura donné le signal de la désobéissance civile sous la forme de manifestations, boycotts et grèves…
La joie ternie de l’indépendance
Au terme de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques sont résignés à se retirer du sous-continent indien.
L’Union indienne célèbre son indépendance le 15 août 1947. Le vice-roi Mountbatten remet les pouvoirs au Premier ministre Nehru. Mais la fête est gravement ternie par sa scission d’avec le Pakistan, en bonne partie à cause de Mohammed Ali Jinnah, un avocat musulman chiite, qui dirige la Ligue musulmane et prône la création d’un État musulman indépendant.
Il s’ensuit une atroce guerre religieuse qui fait plus de 400.000 morts et entraîne le déplacement de part et d’autre des nouvelles frontières de près de vingt millions de personnes !
Le Mahatma entre au soir de sa vie dans son dernier combat en entamant une nouvelle et périlleuse grève de la faim pour convaincre hindous et musulmans de déposer les armes. C’est un échec. Gandhi meurt, victime d’un extrémiste qui souhaitait la création d’un État hindou, l’Hindoustan, au lieu de l’Inde laïque et multiconfessionnelle. Le vieillard meurt en prononçant : «Mon Dieu !». Son assassin sera jugé et pendu.