L’Araniko Highway qui relie Katmandou à la frontière népalo-chinoise n’a d’autoroute que le nom. C’est une étroite bande, tantôt de bitume, tantôt de terre battue, qui sinue entre montagnes et ravins sur 115 kilomètres. On la prétend “route de la mort”. Elle le serait sans l’incroyable dextérité des chauffeurs de camion et de car qui se croisent ou se doublent, comme autant de miracles. Accrochés à d’énormes volants qui branlent dans le manche, ils conduisent leurs Tata multicolores à dominante rouille, arpentant dans un sens puis dans l’autre les pentes de l’Himalaya, dont la route livre par instants, au détour d’un virage, d’époustouflantes échappées. “One mistake, game over” (une erreur, fin de partie), est-il écrit à l’arrière d’un camion aux essieux fatigués. On ne saurait mieux dire. Ici, on roule au klaxon, de véritables cornes de brume censées avertir automobilistes, motocyclistes, poulets, troupeaux de chèvres ou piétons suicidaires, comme ces deux hommes qui font rouler des fûts d’essence au milieu de la chaussée, ou ces trois gaillards qui manipulent un tronc d’arbre en travers de la route. Bref, une de ces routes de pays pauvres, morceau de bravoure qui vous badigeonne le visage d’un élégant emplâtre de poussière, de sueur et de fumée de gasoil. A Khadichaur, personne ne se plaint pourtant de cette incessante circulation qui frôle les étals débordant sur la chaussée. Cette bourgade, nichée le long de la rivière Sunkoshi qui roule ses eaux grises et vertes venues des glaciers, a hérité depuis quelques années d’un surnom : China …
LE MONDE | • Mis à jour le |Benoît Hopquin