Le Rajasthan est un de ces rares lieux que l’on peut qualifier sans emphase de terre de légendes. Cet État indien, dont le nom signifie littéralement « le pays des rois », fait bouillonner l’imagination des écrivains, explorateurs ou simples voyageurs depuis des siècles. Jusqu’au début des années 70, les maharajas y ont régné sur un empire de forteresses et de palais, entre jungle et désert.
Aux confins de ce royaume vivent les Raïka. Pour ces éleveurs de dromadaires et de petits ruminants, les animaux sont synonymes de subsistance. Mais ils sont aussi le pilier d’une culture où chaque forme de vie est religieusement respectée, où l’animal est considéré comme l’égal de l’homme et où les dieux sont vénérés au quotidien.
À la frontière de plusieurs mondes
Les Raïka sont unis à la nature par un lien mystique. En Inde, on dit parfois qu’ils vivent à la frontière de deux univers : entre civilisation et nature sauvage, entre le monde des hommes et celui des esprits. Un fragile équilibre en péril…
Depuis des générations, les éleveurs Raïka peuvent parcourir des centaines de kilomètres chaque année, à la recherche de pâturages pour nourrir leur bétail. Pour les rares qui perpétuent ces traditions, le nomadisme est aujourd’hui bien plus qu’un mode de vie ancestral. Il est devenu une nécessité vitale, tant la modernité resserre son étau autour d’eux. Les villes se rapprochent. Les forêts qui les entourent sont désormais des sanctuaires interdits aux troupeaux. Et les champs cultivés des agriculteurs, toujours plus nombreux, ne laissent que peu de place aux éleveurs. Encore une fois, les Raïka semblent avancer sur un fil.
Comme une parenthèse, certains passent l’hiver à l’abri des contreforts des monts Aravalli. Durant quelques mois d’abondance, nul besoin de nomadiser. Au milieu des montagnes, les familles habitent des bergeries traditionnelles et trouvent aux alentours les pâturages suffisants pour les animaux. Là, presque coupés du monde, les Raïka retrouvent un environnement sauvage, peuplé d’ours et de léopards, ombres menaçantes qui planent sur le bétail.
Dans ce décor semi-aride aux tons ocres, le rouge vif des turbans et les couleurs chatoyantes des voiles et des robes apparaissent comme des touches de lumières flamboyantes. Elles pourraient être le reflet d’une apparente douceur de vivre, tant les visages ne se départissent jamais de leurs sourires. Pourtant, le quotidien des Raïka est difficile, et la vie d’éleveur un choix que les jeunes ne veulent plus forcément faire. Sédentarisation, remise en question des mariages arrangés… Le poids des traditions est pour certains devenu trop lourd à porter. Et nul ne sait combien de temps encore la culture raïka survivra.
Copier: RDV en Terre Inconnue – L’arrivée de François-Xavier Demaison