A la jonction des états du Karnataka, du Kerala et du Tamil Nadu, les collines des Nilgiris forment le point de contact entre les Ghats occidentales et orientales. Elles possèdent une des plus riches biosphères du monde qui s’étend sur 5 670 km2.
Depuis le petit aéroport de Coimbatore, sur les chemins sinueux qui montent peu à peu en altitude, se succèdent des dégradés de vert à l’infini. La flore vivante et vibrante laisse évaporer son parfum frais et pur. Nous nous retrouvons bientôt au milieu d’une jungle et d’une faune qui nous sont encore inconnues. Nous sommes à Kurumba.
Quelle est l’histoire de ce lieu ?
Malgré ses sonorités africaines, le mot Kurumba est bel et bien un nom issu des dialectes dravidiens et attribué à des tribus de l’Inde du sud. Vivant au contact de la nature et des animaux sauvages, ces hommes et femmes à la peau sombre et de petite taille ont su maîtriser les mille dangers de la forêt. Le mot Kurumba vient du mot kuru (éleveur de brebis) et de kurumbo (espiègle). Les anthropologistes indiens ont découvert que ces tribus avaient un mode de vie totalement différent des autres habitants de l’Inde du sud. En effet leurs religions, culture, tradition, coutumes et pratiques sociales sont très distinctes.
La légende populaire dit que ces tribus avec les autres tribus de l’Inde du sud : les Toda et les Kota – ont été amenées sur terre par un même créateur. Trois frères se disputaient, le père possédant des pouvoirs surnaturels attribua à chacun de ses enfants diverses fonctions afin qu’ils puissent s’échanger des biens et des services. Les descendants de ces trois frères devinrent alors les trois tribus. Les membres de la tribu sont très respectueux de la nature qui les entoure. La jungle abritent des éléphants, des panthères, des ours…
La plus riche biosphère de l’Inde
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la biosphère des dénombre plus de 3 700 espèces de plantes et 684 espèces vertébrées (dont 156 sont endémiques). Plusieurs centaines de plantes ont des usages médicaux, industriels et alimentaires. En effet, parmi les principales productions de la région, on retrouve des huiles essentielles faites à partir des plantes locales Elephant – Kurumbacomme l’eucalyptus, le géranium, la lavande, la gaulthérie, pour les cheveux, la peau, les dents, les muscles…
Cependant, l’urbanisation, l’agriculture, l’attitude de certains touristes et l’accroissement de la population en général ont considérablement impacté les lieux. Pour protéger cet environnement unique, des campagnes « plastic free » (plastique interdit) ont été entreprises par le gouvernement mais les mentalités restent encore très peu conscientes des dangers et de l’impact de la pollution sur l’environnement. La biosphère des Nilgiris regroupe de nombreux parcs naturels protégés : Rajiv Gandhi National Park (Nagarhole), Bandipur dans le Karnataka, Waynad, Nilambur, Silent Valley et Siruvani Hills dans le Kerala, Jayalalitha Wildlife Sanctuary (Mudumalai), Nilgiris et Mukurti dans le Tamil Nadu.
Pour explorer les lieux, nous partons pour un trek en forêt avec l’espoir de voir quelques animaux sauvage. Accompagnés d’un guide de la tribu Kurumba, nous nous enfonçons dans la jungle. Des singes (langurs et macaques) passent de branches en branches. Des biches discrètes et méfiantes face aux éventuels attaques d’animaux, sont presque invisibles dans le décor. Dans les arbres, des centaines de nids d’oiseaux ; des cris et chants de tous les coins nous indiquent que le lieu est idéal pour les observer (la biosphère des Nilgiris en recense 300 espèces). Sur le chemin, des pas frais d’éléphants indiquant leur passage quotidien vers l’accès aux sources d’eau situé au bas du flanc de la colline.
Alors que la nuit tombe vite en altitude, notre première journée se termine sous la pluie et un orage féroce s’empare de la vallée. Le vent commence à souffler et les éclairs illuminent la vallée, un spectacle époustouflant.
La pluie nettoie la flore qui au petit matin s’éveille sous son plus beau jour. Une vue dégagée se dessine sur la grande vallée depuis le balcon de notre chambre. Les arbres sont épurés et brillent. La nature laisse évaporer son parfum, mélange de terre mouillée, de rosée, de fleurs et de feuilles.
A bord du petit train des Nilgiris
La ville de Coonoor est située au sommet du pic Hulikal à une altitude de 1 800 mètres. Alors que les élections, les discours de candidats et les campagConoor Trainnes de promotion font l’actualité de la ville et que les habitants urbains se préparent à voter, nous nous embarquons pour un tout autre voyage, cette fois-ci à bord du petit train des Nilgiris Coonoor. Ce petit train centenaire, cousin de celui qui monte à Darjeeling, passe par des routes sinueuses et étroites mais ouvre la vue à de jolis paysages pittoresques. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Nilgiris Mountain Railway passe par 16 tunnels entre Kallar et Ooty et offre une vue imprenable sur les cascades, les sommets et les plantations de thé. Le train utilise une locomotive à vapeur manipulée manuellement. Le voyage commence à Ooty à 2 200 mètres avant d’atteindre Coonoor à 15 h 45 et se termine à 19 h. Il couvre au total 46 km et atteint sa destination finale à Mettupalayam, à 330 mètres.
Passage obligé à Coonoor, la visite d’une usine de thé.
Les plantations de thé dans les Nilgiris ont débuté aux alentours de 1830 et la première usine de thé ouvrit a ouvert en 1854. Depuis, les thés des Nilgiris ont été reconnus parmi les thés les plus fins du mondteae. Ils font partie, avec les thés de Darjeeling et de d’Assam, des plus célèbres thés de l’Inde. La région est principalement connue pour son thé noir (utilisant la méthode CTC (Crush – Tear – Curl : broyage-déchiquetage-bouclage). Le thé Nilgiri pousse à une hauteur de 1 000 à 1500 mètres et se démarque pour son goût fin, doux et fruité et l’harmonie de ses couleurs. L’usine de Brook Lands est une des plus vielles usines de thé de l’Inde du sud et offre une visite complète pour 10 roupies.
Au charme colonial, Tranquilitea est un de ces salons où nous découvrons et dégustons les thés de la région. Parmi les choix : les célèbres Silver Tips (parmi les thés les plus chers du monde), l’Organic Black Tea, le Green Tea, l’Orthodox Tea et le Handmade Tea. Le chocolat étant une des spécialités de la région, les artisans proposent un mélange très particulier que l’on retrouve dans la plupart des salons : le thé au chocolat ! Goût original et sucré… à essayer !
Ooty à 2 240 mètres
Atteindre 2 240 mètres dans l’état du Tamil Nadu ? Oui, c’est possible à Ooty. Ootacamund ou Ooty vient du mot «Utaka Mand», un mand étant un ensemble d’anciennes huttes où vivait la tribu des Toda. De nombreuses églises – dont certaines sont centenaires – jalonnent la ville et lui confèrent un charme particulier. La ville qui compte environ 90 000 habitants est peuplée de maisons de toutes les couleurs, : rose, safran, vert, bleu ciel,… A 4 km au sud-est d’Ooty trône le pic de Doddabetta à 2 623 mètres, le point le plus haut du Tamil Nadu. C’est une attraction touristique majeure pour les touristes qui peuvent marcher jusqu’au sommet pour découvrir une vue imprenable sur toute la vallée. Symbole de la riche flore qui alimente ces collines, le jardin botanique possède des plantes venant des quatre coins du monde et témoigne de la richesse du sol des Nilgiris. Elles poussent avec abondance sous différentes formes et couleurs et diffusent des parfums frais et fruités.
Alors que le soleil se couche, le ciel se pare de couleurs mystiques et un halo de lumière se pose sur les collines. Il en esquisse les formes pures et soudain, d’un vert profond ces dernières se colorent d’un bleu infini… Les Nilgiris (montagnes bleues) se révèlent et cette vision ancrée dans nos yeux parachève notre voyage.
(publié dans le Magazine INDES)